Garantie des défauts sur les achats sur internet et à distance - Quelles solutions en droit suisse ?
Le e-commerce s’est très largement développé ces dernières années et d’autant plus avec la crise du covid. Beaucoup de consommateurs qui achetaient jusqu’à présent en boutique physique se sont tournés vers le shopping en ligne.
Les sites de e-commerces sont dans l’obligation d’afficher des « conditions générales de vente », ces CGV ont valeur contractuelle. Le contenu des conditions générales de vente est encadré dans une certaine mesure par la loi et comme nous allons le voir viens parfois renforcer ou réduire les droits du consommateur suisse.
Base légale de la garantie des défauts - Article 197 CO
Le fondement de la garantie des défauts dans un contrat de vente se trouve à l’article 197 du Code des obligations :
« Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure.«
Cet article du Code des obligations offre ainsi plusieurs protections à l’acheteur :
- Une protection dans le cas de l’achat d’un article dont la description aurait été fausse, trompeuse ou incomplète (« qualités promises« ).
- Une protection dans le cas où l’article comporte un défaut matériel (ex : endommagé) ou juridique (ex : le vendeur a vendu un bien qui ne lui appartenait pas).
Par ailleurs le vendeur répond des défauts même s’il les ignorait (Art. 197 CO al 2).
Défauts existants à la livraison et défauts apparaissant après la livraison - Distinction
La notion de garantie des défauts comme elle est conçue aujourd’hui par le public s’applique en principe à deux cas précis :
- Les défauts qui existaient dès l’origine et qui ont été constatés à la livraison par l’acheteur (ex : un ordinateur qui n’a jamais fonctionné en raison d’une mauvaise fabrication).
- Les défauts qui apparaissent durant le délai de garantie et qui ne sont pas imputables à l’acheteur (ex : un ordinateur qui tombe en panne dans la période garantie par la loi).
Cependant nous allons voir que d’un point de vue strictement juridique les articles 197 et suivants CO ne sont pas applicables aux défauts qui se révèlent par la suite du fait d’une panne ou d’une détérioration non fautive. C’est en réalité les conditions générales de vente qui permettent de bénéficier d’une véritable garantie durant 2 ans. Nous en expliquons les raisons plus bas dans la partie « Pourquoi une telle opacité juridique ? ».
Durée et délai de garantie des défauts
Il convient de distinguer deux notions : La durée de la garantie et le délai pour aviser le vendeur que le produit est défectueux ou ne correspond pas à ce qui a été commandé.
"Durée de garantie" (délai de prescription)
S’agissant de la durée de garantie, le principe se trouve à l’article 210 du Code des obligations, l’acheteur bénéficie d’une garantie de deux ans (action en garantie) à compter de la livraison du bien. Ainsi l’acheteur est protégé pendant deux ans de tous les défauts qui pourraient toucher le bien. Attention car ces défauts ne doivent pas être liés à une usure normale ou à un mauvais usage de l’acheteur. Un appel en garantie serait valable par exemple dans le cas d’un ordinateur dont une pièce tomberait en panne dans le délai de deux ans.
Nous utilisons dans le langage courant le terme « durée de garantie » alors qu’il s’agit en réalité d’un délai de prescription de l’action en garantie (art. 210 CO). Cette nuance est très importante juridiquement car elle n’offre pas les mêmes droits (Voir la partie « pourquoi une telle lourdeur juridique ? »)
Délai pour aviser le vendeur
La règle est que l’acheteur doit procéder aux vérifications usuelles dès qu’il prend possession de la chose vendue et aviser le vendeur « sans délai » s’il décèle des défauts (Article 201 al. 1 CO). S’il n’émet aucune remarque ou qu’il ne procède pas à des vérifications usuelles on considère qu’il a accepté la chose avec ses défauts sauf si une vérification usuelle ne permettait pas de les déceler (défauts non visibles). Dans le cas de défauts non visibles on reconnaît à l’acheteur un délai supplémentaire qui correspond en général au moment où il aurait raisonnablement dû déceler le défaut.
Si la chose vient à être défectueuse par la suite, c’est à dire qu’elle finit par tomber en panne ou s’endommager sans que la faute soit imputable à l’acheteur, alors la loi exige d’aviser immédiatement le vendeur (Art. 210 al. 2 CO et Art. 201 al. 3 CO). L’acheteur est protégé pendant deux ans à partir de la livraison mais doit aviser rapidement (en général une semaine) le vendeur dès qu’un défaut apparaît.
Le Tribunal fédéral a dû expliciter la règle de l’avis immédiat car il posait d’importants problèmes pratiques. Dans un arrêt de 2003 le tribunal fédéral a expliqué de manière très pédagogique la règle de l’article 201 al. 3 CO :
Considérant 3.2 « L’exigence d’avis immédiat des défauts vise un but de protection du vendeur; son omission entraîne la péremption des droits issus de la garantie. Il y a découverte d’un défaut dès que l’acheteur peut constater indubitablement son existence de manière à pouvoir formuler une réclamation suffisamment motivée; cela suppose que l’acheteur puisse en déterminer le genre et en mesurer l’étendue: tel n’est pas le cas dès l’apparition des premiers signes de défauts évolutifs dans leur étendue ou leur gravité, car cela amènerait l’acheteur à signaler n’importe quelle bagatelle pour éviter d’être déchu de ses droits. Même si la loi (art. 201 al. 3 CO) ou, comme en l’espèce, la convention exige un avis « immédiat », on doit reconnaître à l’acheteur un court délai de réflexion lui permettant de prendre sa décision et de la communiquer au vendeur. La durée de ce délai n’est pas prévue par le code des obligations. Selon la jurisprudence, un avis des défauts communiqué deux ou trois jours ouvrables après la découverte de ceux-ci respecte la condition d’immédiateté prévue par la loi (ATF 98 II 191 consid. 4; 76 Il 221 consid. 3); en revanche sont tardifs des avis transmis dix-sept ou vingt jours après la découverte des défauts (ATF 118 II 142 consid. 3b; 107 Il 172 consid. 1c; 22 p. 129 consid. 3) » (Tribunal fédéral, Arrêt du 17/11/2003, 4C.205/2003).
L’avis immédiat s’entend donc comme un avis effectué dans les trois jours ouvrables suivants la découverte du défaut.
Article endommagé durant le transport
Selon l’article 452 CO « L’acceptation sans réserves de la marchandise et le paiement du prix de transport éteignent toute action contre le voiturier« .
Il donc important et conseillé de :
– Toujours inspecter et déballer un colis devant le livreur afin qu’il puisse noter sur un formulaire dédié les défauts et avaries visibles.
– En cas de défauts visibles ou découverts ultérieurement, toujours aviser le transporteur ET le vendeur. Le transporteur n’est plus responsable en cas de défauts non visibles s’ils ne sont pas annoncés en moyenne dans les huit jours qui suivent la distribution du colis (art. 452 al 2. CO). Les vendeurs exigent également dans leurs conditions générales de vente de les aviser des défauts visibles ou non visibles au moment de la livraison.
Il est important de bien aviser à la fois le transporteur et le vendeur pour les défauts visibles et non visibles. Ces avis servent ainsi à verrouiller juridiquement la possibilité d’exercer plus tard l’action en garantie. A défaut d’aviser le transporteur ou le vendeur, les deux pourront tout simplement refuser d’indemniser l’acheteur. L’avis a pour effet d’éviter la péremption de l’action en garantie.
Dans la plupart des conditions générales de vente des vendeurs par correspondance, il est stipulé que le l’acheteur doit déballer le colis et inspecter le produit devant le livreur. Cette obligation n’est en principe pas invocable par le vendeur car le Tribunal fédéral a précisé que l’acheteur disposait d’au moins trois jours pour aviser le vendeur des défauts visibles. Seul le transporteur peut invoquer l’article 452 CO face au destinataire du colis.
Ainsi en cas de défaut qui existait à l’origine et qui n’est manifestement pas dû au transport, le vendeur ne peut pas invoquer l’absence d’inspection devant le livreur et même si cela figurait aux conditions générales de vente.
Qu'est ce que le transfert des risques ?
La notion juridique du transfert des risques (Art. 185 CO) va nous aider à déterminer qui indemnise l’acheteur en cas de dégradation de l’objet durant le transport. Le transfert du risque est le moment où le vendeur cesse d’être responsable des éléments extérieurs qui pourraient venir endommager le bien. Le cas typique est celui d’un tiers qui dégrade involontairement le bien avant qu’il arrive entre les mains de l’acheteur. Le tiers peut donc être le transporteur, les douanes etc.
Pour le contrat de vente le transfert des risques a en principe lieu dès le paiement du prix. Ainsi en cas de dégradation du bien durant le transport, c’est à l’acheteur de se tourner vers le transporteur pour obtenir réparation car il a commencé à supporter les risques au moment du paiement du prix.
Le vendeur peut choisir de retarder le transfert des risques au moment de la livraison. Il s’agit d’un argument de vente appréciable pour l’acheteur qui est donc dispensé de gérer lui même son indemnisation auprès du transporteur en cas de dégradation durant le transport.
Dans certains pays européens comme la France le transfert des risques a lieu non pas au paiement du prix mais à la livraison du produit. Cette conception du transfert des risques est favorable au consommateur qui n’a donc pas besoin de se retourner contre le transporteur en cas de dégradation du colis durant le transport. C’est en effet le vendeur qui supporte le risque durant le transport.
Cette conception est cependant lourde de conséquences pour les professionnels de la vente par correspondance. Tous les litiges liés aux dégradations intervenues durant le transport doivent être pris en charge par le vendeur ce qui le contraint souvent à des dépenses de fonctionnement supplémentaires (embauche de salariés, frais d’avocat etc).
Comment est indemnisé l'acheteur ?
En cas de défaut, l’acheteur a en principe le choix entre la résiliation de la vente (il renvoie le bien et récupère le montant du prix) ou la réduction du prix avec conservation du bien (Art. 205 al. 1 CO). Si la chose est fongible, c’est à dire remplaçable, l’acheteur peut choisir d’en obtenir une autre du même genre, c’est ce qu’on appelle communément faire échanger un produit défectueux (Art. 206 CO).
Cependant la jurisprudence a autorisé les vendeurs à déroger aux articles 205 et 206 CO dans leurs conditions générales de vente en prévoyant uniquement la réparation des défauts (Tribunal fédéral, Arrêt du 17/11/2003, 4C.205/2003). Dans la pratique on rencontre presque systématiquement une clause qui prévoit à la discrétion du vendeur soit la réparation soit le remplacement du produit défectueux.
Lorsque l’article 205 CO est applicable (résiliation et réduction) c’est à dire qu’il n’est pas écarté par des CGV, le juge peut en cas de litige choisir en fonction des circonstances de n’autoriser que la réduction du prix (Art. 205 al 2. CO). C’est souvent le cas en matière de choses construites sur mesures qui ne pourraient pas être réparées et revendues à d’autres clients.
Les articles 197 et suivants du Code des obligations ont été élaborés à une époque où le droit des consommateurs n’existait pas. Ils ont été conçus à l’origine comme un moyen de régler les litiges liés aux défauts découverts à la livraison des marchandises et dans un court délai après la réception afin de permettre de pouvoir déceler les défauts dès les premières utilisations des biens.
Ces articles n’ont jamais été pensés comme une obligation pesant sur l’acheteur de garantir que la chose resterait en état durant au moins deux ans.
Face à l’évolution du droit de la consommation européen dans les années 2010, la Suisse a été contrainte de s’aligner sur ces nouvelles dispositions protectrices du consommateur. Cela était nécessaire tout simplement pour éviter de freiner les exportations suisses.
Au lieu de créer une loi distincte et claire sur le droit de la consommation comme la majorité des pays européens, les députés de l’Assemblée fédérale ont préféré greffer ces nouvelles règles sur des dispositions existantes du Code des obligations (art. 197 et suivants CO). Mais cet ajout maladroit de nouvelles règles relève surtout d’une volonté politique. Le but était de reconnaître à demi-mot une protection du consommateur suisse sans reconnaître officiellement un droit de la consommation suisse. Cela est peut être explicable par la vision du protestantisme germanique qui estime qu’il revient au consommateur de se protéger lui-même et de sanctionner économiquement les mauvais vendeurs et fabricants en privilégiant les bons.
La modification consiste donc uniquement en une augmentation du délai de prescription de l’action en garantie. Le problème est que les juges ont toujours interprété les articles 197 et suivants CO d’une certaine manière et non pas comme une garantie au sens moderne du terme. En effet la jurisprudence a posé une règle stricte : « La garantie pour les défauts dans la vente ne peut en effet être mise en jeu que si le défaut existe déjà, fût-ce en germe, au moment du transfert des risques. Si la détérioration de la chose vendue se produit au contraire après le transfert des risques, quand bien même elle entraîne la disparition d’une qualité promise, elle ne constitue pas un défaut« . Il s’agissait en l’espèce d’un contrat d’entreprise mais la même règle est applicable pour les contrats de vente (Tribunal fédéral, Arrêt du 22/09/2016, 4A_383/2016).
En d’autres termes selon la jurisprudence, si la chose fonctionnait et n’avait aucun défaut caché, le fait qu’elle se détériore d’elle même par la suite ne constitue pas un défaut. Le seul moyen pour l’acheteur de pouvoir requalifier une détérioration en défaut pré-existant est de prouver lui même que le défaut existait déjà. Il perd donc la présomption d’existence du défaut dont il bénéficie et qui fait peser la charge de la preuve sur le vendeur lorsque le défaut est découvert au moment de la livraison ou dès les premières utilisations.
C’est pour cette raison que les pays européens ont élaboré des règles nouvelles indiquant expressément que les défauts qui apparaissent dans les deux ans de la livraison sont présumés exister au moment de la livraison. Cette présomption sert à protéger le consommateur en lui évitant de devoir prouver l’existence du défaut.
Or cette règle n’a pas été intégrée dans le droit suisse et n’a pas non plus été retenue par la jurisprudence. Actuellement en cas de détérioration postérieure le consommateur suisse doit donc prouver que le défaut existait déjà avant le transfert des risques, ce qui relève en pratique de l’impossible.
Heureusement les commerçants suisses n’ont pas choisi d’exploiter cette faille et appliquent des règles similaires au droit européen. Néanmoins le problème est toujours présent et rien n’empêche un vendeur déterminé d’invoquer la loi et la jurisprudence. Un vendeur pourra donc exiger au cours d’un litige que le client prouve que le défaut existait avant le transfert des risques.
Compte tenu de la problématique de l’obsolescence programmée, le consommateur suisse est réellement désarmé juridiquement et ne peut se reposer que sur le sens commercial des vendeurs. Cette vision du consommateur responsable de ses achats n’est plus pertinente car la quasi-totalité majorité des produits sont désormais conçus pour se détériorer ou tomber rapidement en panne.
Les députés de l’Assemblée fédérale ont préféré éviter un trop grand interventionnisme de la Confédération dans le commerce et ont choisi de faire confiance aux professionnels pour se réguler eux-mêmes. Ce sont actuellement les conditions générales de ventes qui servent surtout de garantie aux acheteurs.
Conditions générales de vente et garantie des défauts
Les conditions générales de ventes (CGV) sont des stipulations contractuelles, elles ont ainsi la même valeur qu’un contrat classique. La loi est venue imposer aux vendeurs par correspondance d’afficher des conditions générales de vente afin d’informer les acheteurs. Des mentions obligatoires doivent également figurer dans les conditions générales de vente telles que : le délai de livraison, le nom et l’adresse du vendeur, une adresse de contact etc.
Il est possible dans les conditions générales de vente (au même titre que les contrats classique) de déroger au droit général lorsque cela n’est pas expressément interdit par la loi. Les clauses qui dérogent le plus souvent à la loi sont les clauses de limitation de responsabilité où la responsabilité du vendeur peut être réduite ou augmentée. Par exemple l’article 210 al. 4 let. a du Code des obligations interdit de prévoir une durée de garantie inférieure à 2 ans.
Comme nous l’avons vu le droit écrit et la jurisprudence n’imposent pas au vendeur de garantir un produit en état pendant deux ans. Cette obligation a techniquement pour origine les conditions générales de vente élaborées par les vendeurs. Il s’agit en l’espèce d’un geste de la part des vendeurs, c’est une dérogation à la loi en faveur du consommateur.
A l’inverse l’obligation mise à la charge de l’acheteur dans les CGV d’inspecter le colis et de le déballer devant le livreur afin d’inspecter les défauts éventuels est une dérogation à la loi en défaveur du consommateur mais qui reste illicite. En effet nous avions vu que le Tribunal fédéral retenait un délai raisonnable de deux à trois jours pour aviser le vendeur des défauts visibles. Nous pouvons difficilement critiquer cette stipulation compte tenu de la garantie de 2ans concédée par les commerçants, nous devrions plutôt considérer cela comme un échange de bons procédés.
La notion de stipulations abusives dans les conditions générales de vente est malheureusement peu accessible pour les consommateurs. Cette notion a pour base légale l’article 8 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale :
« Utilisation de conditions commerciales abusives : Agit de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat.«
Le consommateur ne peut pas interpréter lui même cette disposition, il appartient au juge de déterminer si une clause de CGV est abusive. Le consommateur est donc contraint de consulter un professionnel du droit au fait de la jurisprudence afin d’être renseigné sur le caractère abusif ou non d’une stipulation.
Litige - Se faire accompagner par un avocat
Si malgré des négociations vous ne parvenez pas à faire entendre raison au vendeur il devient alors nécessaire de débuter une procédure judiciaire.
Celle-ci commence par la mise en demeure de la partie adverse de remplir ses obligations. La validité de cette mise en demeure est soumise à des règles de forme. Il est plus que conseiller de faire appel à un avocat pour réaliser une mise en demeure conforme au droit. L’avocat se chargera ensuite de déposer le dossier auprès du tribunal compétent.
Comme il s’agit principalement de droit des obligations, il faudra privilégier un avocat spécialisé en droit des contrats. Vous trouverez ci-dessous les coordonnées de nos avocats partenaires spécialisé en droit des contrats en Suisse Romande :