Les différentes mesures de curatelle en Suisse – Institution et fonctionnement
Nous traitons dans cet article des différentes mesures de curatelle en Suisse. Il s’agit plus particulièrement des mesures de protection de l’adulte appelées communément curatelle, à ne pas confondre avec les curatelles en matière de protection de l’enfant. Nous allons donc en premier lieu aborder les différentes mesures de curatelle, les conditions d’institution de ces mesures de protection ainsi que leur fonctionnement en pratique (retrait de l’exercice des droits civils, coût, types de curateurs, contrôles des mesures, levée de la mesure etc.).
Les différents types de curatelles
Les curatelles sont des mesures de protection instituées au bénéfice de personnes nécessitant de l’aide en matière administrative, financière et sociale.
- La curatelle d’accompagnement (art. 393 CC) : La curatelle d’accompagnement est rarement utilisée et encore moins en tant que première mesure de protection puisqu’elle correspond presque exactement au type d’accompagnement que peux procurer un ou une assistante sociale. Il s’agit en effet d’une curatelle « light » où la personne protégée peut contacter son curateur si elle souhaite obtenir des conseils, c’est donc une sorte de curatelle de « coaching ». Le curateur n’intervient ainsi que sur demande de la personne protégée. Ce type de curatelle peut par contre être utilisé pour les personnes auparavant protégées par des mesures plus lourdes pouvant être levées suite à l’amélioration de leur situation et souhaitant continuer de bénéficier du soutien et des conseils de leur curateur actuel. Ce type de curatelle n’a aucun effet sur les droits de la personne concernée.
- La curatelle de représentation (art. 394 CC) : La curatelle de représentation permet au curateur de représenter la personne protégée auprès des instances officielles, administrations, banques, sociétés commerciales ou tout autre entité avec laquelle la personne protégée peut avoir signé un contrat ou aurait besoin de signer un contrat. Le curateur peut ainsi indiquer qu’il agit au nom et pour le compte de sa personne protégée et effectuer les démarches nécessaires à sa place. Le curateur pourra par exemple contester une décision de taxation, réaliser une demande AI, effectuer une demande de remboursement auprès d’une caisse maladie ou encore ouvrir/clôturer un compte bancaire. Ce type de curatelle sert principalement à gérer l’administratif de la personne concernée. Elle est souvent associée à la curatelle de gestion du patrimoine.
- La curatelle de gestion du patrimoine (art. 395 CC) : La curatelle de gestion du patrimoine permet au curateur de gérer le patrimoine et les finances de la personne concernée. Elle permet ainsi au curateur de gérer le budget mensuel en payant les factures, les impôts, en remboursant les dettes s’il en existe, Une redirection du courrier est souvent mise en place afin que le curateur reçoive directement les factures de la personne concernée. Un compte à libre disposition est en général prévu dans ce type de curatelle, il s’agit d’un compte bancaire bloqué qui est géré et alimenté par le curateur afin que la personne concernée puisse réaliser ses achats courants. Outre les finances courantes, le curateur aura aussi pour mission de gérer le patrimoine s’il y a lieu (ex: mise en location d’un bien immobilier, gestion de l’épargne et de produits financiers). Si le patrimoine est important ou nécessite une opération particulière, le curateur mandatera, de lui même ou sur directive de l’Autorité de protection, des professionnels compétents pour l’aider dans la gestion (fiduciaire, gestionnaire de fortune, avocat, notaire). La curatelle de gestion est souvent associée à la curatelle de représentation.
- La curatelle de coopération (art. 396 CC) : La curatelle de coopération n’est en réalité pas une mesure de curatelle en soit. Il s’agit plutôt d’un renforcement de mesure utilisé dans le cadre de la curatelle de gestion. Elle permet, dans les cas où le retrait de l’exercice des droits civils n’est légalement pas possible, de soumettre la conclusion de contrats au consentement préalable du curateur. Elle pourra prendre par exemple la forme d’une limitation des droits civils de la personne concernée, sous réserve de l’approbation du curateur, pour tous les actes ou contrats dépassant un certain montant (ex: la personne peut conclure tous types de contrats ou engagements jusqu’à un montant maximal de 300 CHF, elle devra au delà requérir l’accord du curateur). Ce type de mesure permet de responsabiliser et assurer une certaine autonomie de la personne tout en lui évitant de céder à des achats compulsifs ou à des sollicitations commerciales indésirables.
- La curatelle de portée générale (art. 398 CC) : La curatelle de portée générale est en principe la curatelle la plus lourde. Elle prévoit en effet la privation de plein droit de l’exercice des droits civils. Largement utilisée à l’époque, elle est désormais très peu utilisée car jugée incompatible avec les droits fondamentaux. Les autres types de curatelle, très flexibles, permettent en outre d’instituer une protection « sur mesure » et ainsi garantir une protection tout aussi efficace que celle de la curatelle de portée générale. C’est aujourd’hui l’association des curatelles de représentation et de gestion qui la remplacent.
A ces curatelles peuvent s’ajouter des mandats particuliers pour le curateur, ce sont notamment le mandat de logement et le mandat thérapeutique.
Les conditions d’institution des mesures de curatelle – une curatelle pour qui et pourquoi ?
L’institution d’une curatelle peut être imposée ou volontaire c’est à dire demandée par la personne concernée. Néanmoins, bien que la mise en place d’une curatelle puisse être d’origine volontaire, cela ne veut pas dire pour autant qu’une curatelle puisse être mise en place sur simple demande, le législateur a en effet souhaité éviter les « curatelles de confort » en prévoyant des exigences strictes dans la loi.
Ces exigences sont prévues à l’article 390 du Code civil, une mesure de curatelle pourra être mise en place en raison de déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse. Il faut en outre que l’état de faiblesse en cause empêche totalement ou partiellement la personne concernée d’assurer la sauvegarde de ses intérêts, cet état de faiblesse pouvant être permanent ou passager. On entend par « assurer la sauvegarde de ses intérêts » le fait pour une personne par exemple de ne plus parvenir à gérer son administratif et ses finances ou être victime de personnes malintentionnées. La jurisprudence a étendue les situations pouvant donner lieu à la mise en place de mesures de curatelle et a admis qu’elles puissent être instituées en raison de l’inexpérience de la personne concernée, par exemple un jeune majeur livré à lui-même ou la personne tout juste veuve ayant perdu son conjoint qui s’occupait depuis toujours de l’administratif et des finances du ménage.
La curatelle ne concerne donc en pratique pas uniquement les personnes âgées ou les personnes atteintes de handicap mental. Les mesures de curatelles peuvent en outre être mise en place pour les personnes atteintes de dépression, d’autisme, de troubles psychologiques ou encore de dépendance à l’alcool et aux drogues.
Ainsi dans la grande majorité des cas, il sera nécessaire d’établir au préalable un rapport médical attestant de la situation de la personne concernée. Si aucun rapport médical n’a été établi, il sera demandé directement par l’Autorité de protection au médecin sous forme de questionnaire. Le rapport médical atteste des troubles de la personne concernée et de l’existence ou non de sa capacité de discernement (ex: sa capacité à comprendre et assurer ses affaires administratives et financières). Ce rapport médical peut en outre être demandé au médecin de famille ou à un médecin spécialiste en cas d’atteinte neurocognitive (démence, maladie d’Alzheimer) ou de problèmes d’addictions.
Demande ou signalement ? Qui peut faire une demande de curatelle ? Qui prend la décision ?
En Suisse la décision d’institution d’une mesure de curatelle est prise par l’Autorité de protection, l’Autorité est appelée différemment en fonction des cantons (TPAE à Genève, APEA dans plusieurs cantons comme le Valais, ou du ressort de la justice de paix pour le canton de Vaud). Ces autorités sont composées de magistrats professionnels et de membres assesseurs disposant de compétences et formations spécialisées (psychologues, psychiatres, assistants sociaux). En outre la procédure est régie par la procédure civile, et doit suivre plusieurs étapes incontournables :
- Le signalement : pour entrer en matière, l’Autorité de protection doit avoir été informée de la situation de faiblesse d’une personne. Ce signalement peut être fait par toute personne à savoir les forces de l’ordre, les médecins et autre professionnels de santé, les assistants sociaux, la famille et proches de la personne concernée, les voisins ou même la personne concernée elle même. Notez que ce signalement peut rester anonyme, l’Autorité prenant connaissance d’une situation nécessitant une intervention entrera dans tous les cas en matière.
- L’instruction (enquête) : Une fois l’Autorité informée d’une situation potentielle d’état de faiblesse, celle-ci ouvre officiellement une procédure d’instruction. Cette instruction ou enquête a pour but de vérifier si la personne concernée nécessite effectivement de l’aide et si les conditions légales d’institution d’une mesure de curatelle sont biens présentes. C’est au cours de cette étape que l’Autorité prendra contact avec des professionnels de santé pour établir l’existence ou non de l’incapacité de discernement et d’éventuels troubles de santé physiques ou psychiques. L’Autorité prendra également contact avec la famille ou les proches de la personne visée par l’enquête. La personne concernée dispose pendant cette étape du droit d’être entendue, elle est ainsi convoquée au cours d’une audience afin de faire valoir son point de vue aux magistrats et membres psychologues. Dans certains cantons les membres de l’Autorité peuvent se déplacer en EMS ou au domicile des personnes ne pouvant pas se déplacer pour leur garantir leur droit d’être entendues.
- La décision : Une fois l’instruction complète, L’Autorité rendra soit une décision de non institution, soit une décision d’institution de mesures de curatelle en fonction des besoins de la personne à protéger. Cette décision nommera également un curateur et fixera l’étendue de sa mission. Ce dernier se verra également remettre un acte de nomination qui lui permettra de faire valoir sa qualité de curateur auprès des tiers intéressés (Etat, caisses maladie, banques etc.). Cette décision pourra être contestée par la personne concernée par le biais d’un appel auprès de l’Autorité de recours qui infirmera ou confirmera la décision puis au Tribunal fédéral si l’Autorité de recours ne lui a pas donné gain de cause.
- L’entrée en vigueur de la mesure de curatelle : Une fois la décision entrée en force, le curateur peut officiellement débuter son mandat et apporter aide et soutien à la personne concernée.
Les curateurs : nomination, compétences, et contrôle
Le curateur est la personne chargée d’apporter son aide à la personne sujette à la mesure de curatelle, il est nommé par l’Autorité de protection. Le curateur est censé disposer des connaissances et compétences nécessaires pour assurer son rôle (art. 400 CC). Ces compétences et connaissances visent principalement le domaine social et administratif, c’est à dire la connaissance du système social et de santé suisse, ou encore des domaines de la comptabilité et de la fiscalité. Ces conditions ne sont pas exigées lorsque le curateur est un membre de la famille bien qu’elles soient appréciées. Des connaissances comptables minimales sont importantes car le curateur est soumis à un contrôle exigeant notamment la reddition annuelle ou biannuelle des comptes de la personne concernée.
Le curateur ne dispose pas d’une liberté illimitée dans la gestion de l’administratif et des finances de la personne protégée. Il doit en premier lieu établir un inventaire d’entrée avant même de débuter sa mission. Cet inventaire d’entrée a pour but d’établir officiellement le patrimoine de la personne protégée afin de vérifier au fil des années que celui-ci est géré correctement et que les actifs présents ne disparaissent pas frauduleusement ou soient simplement oubliés. Par la suite le curateur est également soumis à une obligation de reddition annuelle ou biannuelle d’un rapport d’activité et de comptes périodiques (art. 410 et 411 CC). Le rapport d’activité permet de s’assurer quelles tâches ont été effectuées par le curateur et les comptes périodiques permettent de vérifier l’état du patrimoine et son évolution au fil des années. Ces comptes sont contrôlés de près par les équipes comptables des Autorités de protection et sont ensuite approuvés ou non par les magistrats. Il n’y a donc pas de risques de détournement d’actifs par les curateurs compte tenu du contrôle poussé des comptes et des conséquences pénales immédiates en cas de fraude. Il y a néanmoins parfois des abus quant à la rémunération des curateurs privés-professionnels (voir plus bas).
Les curateurs doivent également demander une autorisation de réaliser certains actes. Lorsque la personne protégée ne dispose pas de la capacité de discernement l’autorisation doit être requise auprès de l’Autorité de protection. Si la personne protégée est capable de discernement, l’autorisation de réaliser ces actes doit être obtenue auprès d’elle.
Ainsi dans tous les cas, le curateur doit obtenir une autorisation préalable pour précéder aux actes suivants (art 416 CC) :
- résilier le contrat de bail relatif au logement de la personne sous curatelle.
- conclure des contrats de placement de longue durée (contrats auprès d’EMS).
- accepter ou répudier une succession pour le compte de la personne protégée. Lorsque les successions sont complexes, il n’est pas rare qu’un avocat soit nommé co-curateur de représentation afin de procéder à l’acceptation ou à la répudiation en toute connaissance de cause.
- acquérir, vendre, mettre en gage les biens immobiliers de la personne concernée. Egalement réaliser des travaux allant au delà des besoins ordinaires.
- contracter ou accorder des prêts au nom de la personne protégée.
- acquérir ou liquider une entreprise, également entrer dans l’actionnariat d’une société.
- plaider et transiger si la personne protégée est impliquée dans un litige. Ici aussi, il est d’usage que ce rôle soit confié à un avocat par l’Autorité de protection.
Si le curateur procède à ces actes sans l’accord de l’Autorité de protection ou de la personne protégée (si capable de discernement), il engage en premier lieu sa responsabilité civile et éventuellement pénale. En outre ces actes seront considérés comme boiteux et pourront soit être acceptés postérieurement, soit être remis en cause pour défaut de consentement avec pour conséquence la restitution notamment des sommes ou des biens achetés, vendus ou cédés.
Curateur privés et curateurs professionnels – modes de rémunération
Il existe 3 types de curateurs en Suisse :
- Les curateurs privés : on désigne comme curateur privés au sens strict les curateurs exerçant cette fonction à titre non professionnel. Cela concerne donc les situations où ce sont les membres de la famille ou les amis de la personne concernée qui assument le rôle de curateur. Il n’est pas rare que les curateurs privés renoncent à toute rémunération. Lorsqu’ils sont rémunérés, ils le sont directement par la personne protégée et ont un statut de salariés de la personne protégée, ils paient ainsi des charges sociales pour leur rémunération.
- Les curateurs privés-professionnels : on désigne par curateur privés-professionnels les personnes exerçant la fonction de curateur à titre professionnel mais ne relevant pas d’un service officiel du canton. Ce sont ainsi des personnes exerçant au même titre qu’une entreprise privée via la forme de l’entreprise individuelle ou via une société commerciale comme une SARL. Ces curateurs sont directement rémunérés par la personne protégée et ont le statut de salariés de la personne protégée, ils paient donc des charges sociales au titre de leur rémunération.
- Les curateurs professionnels : Les curateurs professionnels sont des curateurs exerçant à titre professionnel mais faisant partie de structures officielles cantonales dont ils sont les salariés. Ces curateurs exercent donc au sein de services officiels placés sous la direction des cantons, l’on trouve le Service de protection de l’adulte (SPAd) à Genève, le Service des curatelles et tutelles professionnelles (SCTP) dans le canton de Vaud ou encore le Service officiel de la curatelle (SOC) en Valais.
La rémunération des curateurs est par ailleurs plafonnée et encadrée par la loi. Par exemple le canton de Genève prévoit, pour les curateurs professionnels (officiels) une rémunération de 60 francs de l’heure pour les activités courantes et de 125 francs de l’heure pour les activités de nature juridique. La rémunération est de 30 à 100 francs de l’heure pour les curateurs particuliers (curateurs privés). A l’inverse certains cantons comme celui du Valais prévoient une rémunération non pas à l’heure mais forfaitaire en fonction du type et de l’ampleur des activités soit entre 50 et 300 francs par mois, rémunération qui peut être exceptionnellement supérieure si le travail fournit a été particulièrement important. Notez que les personnes sans revenus et aux conditions modestes peuvent bénéficier malgré tout de l’aide d’un curateur, les frais sont en effet pris en charge par la commune de domicile mais restent dus par la personne concernée en cas de retour à meilleure fortune ou prélevés sur l’actif successoral au moment du décès.
Bien que cette rémunération soit encadrée par la loi, la rémunération reste attribuée sur la base du rapport d’activité du curateur. Il y a donc le risque, chez les curateurs privés-professionnels, de gonfler artificiellement leurs activités puisque leur rémunération est variable et dépend de la quantité totale de travail déployé. Il y a néanmoins un contrôle des Autorités de protection, ce sont elles qui attribuent la rémunération des curateurs lors des décisions d’approbations des comptes. La personne protégée ou sa famille peuvent donc contester la rémunération du curateur en recourant contre la décision de l’Autorité de protection validant les comptes et le rapport d’activité remis par le curateur. Du côté des curateurs officiels, ce type abus est inexistant car les curateurs professionnels touchent un salaire fixe du canton, ils n’ont donc aucune incitation à gonfler artificiellement leur activité.
Mandat de logement et mandat thérapeutique
Outre les tâches classiques prévues spécifiquement par la loi comme la gestion des finances et de l’administratif, l’Autorité de protection peut étendre le mandat du curateur au mandat de logement et au mandat thérapeutique.
Le mandat thérapeutique : Le mandat thérapeutique peut être confié au curateur lorsque la personne concernée souffre de troubles de santé physique ou psychique. Ce mandat permet par exemple d’assister la personne au niveau médical ou encore à la représenter vis à vis des institutions et professionnels de santé (ex : échanger avec le médecin de la personne concernée sans se voir opposer le secret médical). Ce mandat peut aller beaucoup plus loin car il peut prévoir, en cas d’incapacité de discernement, de prendre d’importantes décisions médicales pour la personne protégée comme décider ou non de la prise d’un traitement (ex: décider ou non d’une amputation proposée par le corps médical en cas de diabète sévère).
Notez qu’en l’absence d’un tel mandat pour le curateur et lorsque la personne concernée devient incapable de discernement, les membres de la famille deviennent de par la loi responsables des décisions médicales touchant à la personne protégée (art. 378 CC). C’est donc une liste de personnes compétentes par ordre de priorité :
- le représentant désigné par les directives anticipées,
- à défaut de directives anticipées : le curateur disposant d’un mandat thérapeutique,
- à défaut de curateur avec mandat : le conjoint ou partenaire enregistré s’il fait ménage commun (donc non applicable en cas de séparation de corps),
- à défaut de conjoint : le concubin,
- à défaut de concubin : les descendants (enfants et petits enfants),
- à défaut de descendants : les pères et mères,
- à défaut de pères et mères : les frères et sœurs.
Attention : les membres de la famille doivent être des proches, c’est à dire qu’ils doivent être impliqués dans la vie de la personne concernée en lui apportant par exemple une assistance régulière.
Le mandat de logement : Le mandat de logement peut également être confié au curateur par l’Autorité de protection. Il permet au curateur de procéder aux démarches visant à assurer un logement à la personne protégée. Le curateur peut ainsi réaliser toutes les démarches nécessaires comme contacter les propriétaires ou gérance, signer le nouveau bail et résilier l’ancien bail au nom et pour le compte de la personne protégée ou encore mandater des entreprises pour le déménagement. Cela concerne souvent en pratique la conclusion d’un contrat de placement de longue durée en EMS au nom de la personne protégée. Dans tous les cas, la conclusion/résiliation d’un bail ou d’un contrat de placement de longue durée nécessite l’accord de l’Autorité de protection ou de la personne concernée si celle-ci dispose de sa capacité de discernement (voir curateurs).
Retrait ou conservation de l’exercice des droits civils
Le retrait de l’exercice des droits civils en matière de curatelle a pour but de protéger la personne concernée contre elle-même ou contre les tiers qui pourraient abuser de son état de faiblesse. Le retrait de l’exercice des droits civils est souvent mal compris, il s’agit d’une mesure légalement bien encadrée car restreignant les droits fondamentaux de la personne concernée.
Le retrait de l’exercice des droits civils va dépendre en premier lieu de la capacité de discernement. Selon le Tribunal Fédéral, « est capable de discernement au sens du droit civil celui qui a la faculté d’agir raisonnablement (art. 16 CC). Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d’apprécier le sens, l’opportunité et les effets d’un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d’agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté« . En pratique c’est avant tout une notion médicale, de manière simplifiée il s’agit de la capacité d’une personne à comprendre les conséquences d’un acte donné et disposer d’une volonté indépendante suffisante de manière à l’accepter ou le refuser.
Pour bien comprendre la mesure de retrait de l’exercice des droits civils il faut ainsi distinguer 3 situations :
- La personne concernée présente un état de faiblesse justifiant l’institution de mesures de curatelle mais dispose de toute sa tête, on dit ainsi qu’elle dispose de sa capacité de discernement. Dans ce cas elle conserve l’exercice des droits civils et pourra continuer à s’engager juridiquement. Le curateur pourra également réaliser des actes au nom et pour le compte de la personne protégée, il n’est donc pas exclu que ses actes juridiques entrent en contradiction avec ceux de la personne concernée.
- La personne concernée présente un état de faiblesse portant durablement atteinte à sa capacité de discernement (ex: Alzheimer, démence, lourd handicap mental). Dans ce cas la loi prévoit à l’article 17 du Code civil un retrait automatique de l’exercice des droits civils. Ce retrait s’impose à l’Autorité de protection qui n’a ici pas d’autre choix que de le constater dans sa décision. Ici la personne protégée ne peut plus s’engager juridiquement, seul son curateur ou l’Autorité de protection peuvent valablement réaliser des actes.
- La personne concernée dispose totalement ou partiellement de sa capacité de discernement mais présente le risque de réaliser des actes contraires à ses intérêts, en opposition avec ceux du curateur ou d’être abusée par des tiers. L’Autorité de protection va pouvoir dans ce cas procéder à un retrait de l’exercice des droits civils de manière à protéger la personne concernée contre elle-même (art. 394 al 2 CC). Cette mesure est souvent prononcée en cas de retard mental léger, d’achat compulsifs ou de personne souffrant d’addictions. Cette mesure ne doit en outre être prononcée qu’en dernier recours, elle est en effet exclue si d’autres mesures plus souples peuvent être mises en place comme par exemple la mise à disposition d’un compte bancaire bloqué où un montant fixe est alloué chaque mois à la personne sous curatelle. Ainsi le retrait de l’exercice des droits civils aura lieu si la personne concernée ne parvient pas à refuser les démarchages commerciaux à domicile et par téléphone ou encore si elle s’engage de manière excessive compte tenu de ses moyens financiers (ex: acheter le dernier Iphone à crédit tout en étant endettée et à l’aide sociale). Si la personne concernée présente le risque de se déposséder de son patrimoine, il est également possible de prononcer des interdictions de disposer (art. 395 al 3) par exemple en inscrivant au registre foncier une interdiction de vendre un bien immobilier.
S’agissant de l’évaluation de la capacité de discernement, celle-ci ne peut être réalisée que par un médecin via un rapport médical. Cette évaluation peut être réalisée par le médecin de famille ou un médecin spécialisé. En pratique les signalements aux autorités de protection ont régulièrement lieu par le médecin traitant lorsqu’il constate des troubles de santé portant atteinte à la capacité de discernement de leur patient et que ce dernier ne dispose d’aucune aide de ses proches ou services sociaux. Le rapport médical constatant l’absence ou la présence de la capacité de discernement peut dans tous les cas être contesté au cours de la procédure d’instruction de l’Autorité de protection, la personne concernée ou ses proches pouvant demander la réalisation d’une nouvelle évaluation de la capacité de discernement auprès d’un autre médecin voire de médecins spécialistes de la pathologie en cause.
Levée de curatelle et modification de curatelle
Les article 399 et 414 du Code civil prévoient les cas de modification ou de levée de curatelle.
La curatelle peut en premier lieu être levée, soit d’office par l’Autorité de protection, soit sur requête de la personne concernée, ses proches ou du curateur. La levée n’est possible que si les conditions légales d’institution de curatelle ne sont plus réunies. Cela concerne ainsi les personnes souffrant d’un état faiblesse temporaire tel qu’une dépression ou une dépendance à l’alcool/drogues et qui seraient désormais en rémission ou sur la voie de la guérison. La requête de demande de levée peut ainsi être faite en tout temps auprès de l’Autorité de protection mais il faut pouvoir justifier d’arguments solides en faveur d’une indépendance viable et durable de la personne concernée.
La modification de mesure de curatelle, c’est à dire le renforcement ou l’allègement de la mesure vont intervenir également en cas de constatation de faits nouveaux par l’Autorité de protection ou sur requête de la personne concernée, de ses proches ou du curateur. La mesure sera ainsi allégée par exemple avec une restitution de l’exercice des droits civils si la personne ne risque plus d’effectuer des achats compulsifs ou encore par la restitution à la personne concernée de la gestion de ses finances si elle parvient désormais à gérer elle même ses factures (mais avec maintien d’une curatelle de représentation pour l’aspect administratif). A l’inverse la mesure pourra être renforcée par un retrait de l’exercice des droits civil ou la privation d’accès aux comptes bancaires si la personne a dilapidée son argent via des achats compulsifs ou par la souscription d’abonnements sans réelle utilité et compte tenu de l’état de sa fortune.
Validité d’une procuration en cas d’absence de capacité de discernement
La procuration permet à une personne de confier à une autre le pouvoir d’agir en son nom et pour son compte, la procuration la plus connue étant la procuration bancaire. La procuration est souvent confiée en pratique aux proches ou la famille de personnes âgées qui, au fur et à mesure de la dégradation de leur état de santé, ne sont plus en mesure d’assurer elles mêmes tout ou partie de leur gestion administrative et financière.
Néanmoins la perte de la capacité de discernement entraîne la caducité de la procuration (art. 35 du Code des obligations). Il n’est en outre pas possible d’instituer une procuration si la personne confiant cette procuration ne dispose pas de la capacité de discernement. Pour palier à cette caducité, il est conseillé d’associer une procuration générale à un mandat pour cause d’inaptitude.
Faire usage d’une procuration ou instituer une procuration en cas d’incapacité de discernement peut avoir de lourdes conséquences à savoir la remise en cause des actes passés ou le versement de dommages et intérêts par le représentant (personne titulaire de la procuration). Les poursuites judiciaires à l’encontre du représentant ayant utilisé une procuration caduque peuvent avoir lieu à l’initiative de l’Autorité de protection au moment de l’institution de mesures de curatelle ou à l’initiative d’héritiers de la personne concernée par exemple à l’ouverture de la succession de cette dernière. Il faut néanmoins relativiser les risques car les actes pris dans l’intérêt de la personne protégée ne seront pas remis en cause, seuls des agissements frauduleux comme le fait de s’accaparer le patrimoine de la personne protégée par le représentant ou la cession à vil prix en faveur de tiers seront remis en cause.
Donation, testament et curatelle
En matière de curatelle, les donations et la rédaction de testament ne sont possibles que si la personne concernée dispose de la capacité de discernement.
En l’absence de capacité de discernement, le curateur ne peut effectuer aucune donation ou avancement d’hoirie, même s’il dispose de l’accord de l’Autorité de protection (art 412 CC). Seuls les présents d’usages sont possibles (ex: cadeau d’anniversaire) et en fonction du patrimoine de la personne protégée.
Pour palier à la rigueur de cette interdiction, certaines Autorités de protection procèdent exceptionnellement à l’autorisation de prêts à intérêts aux descendants. Cela peut en effet être accepté par l’Autorité de protection si la personne sous curatelle dispose d’un patrimoine important et que le prêt en question ne risque pas de péjorer ses finances et son mode de vie. Il faut en outre que la situation s’y prête du côté des héritiers potentiels, c’est à dire qu’il doit y avoir peu d’héritiers et que le prêt, s’il n’est pas remboursé avant le décès, n’aura pas d’influence néfaste sur les droits successoraux des autres héritiers c’est à dire qu’ils recevront tout ce dont ils auraient du toucher en l’absence du prêt.
Le mandat pour cause d’inaptitude
Le mandat pour cause d’inaptitude est une mesure assez méconnue mais pourtant utile (art. 360 CC). Il s’agit en effet d’une sorte de curatelle privée, la personne concernée peut, alors qu’elle dispose encore de sa capacité de discernement, désigner à l’avance un curateur qui prendra soin de son administratif, de ses finances ou de son bien être social si elle perdait la capacité de discernement dans le futur. Le mandat pour cause d’inaptitude permet donc de palier à l’insuffisance de la procuration générale, permettant ainsi d’assurer la continuité de l’aide apportée à la personne concernée en cas de perte de capacité de discernement.
Le mandat pour cause d’inaptitude doit être rédigé de la main de la personne concernée (art. 361 CC), il n’est pas possible de signer un document imprimé sauf si le document en question a été établi et signé devant notaire.
Le mandat pour cause d’inaptitude doit néanmoins être examiné par l’Autorité de protection au moment de la survenance de l’incapacité de discernement. En effet ce contrôle permet de s’assurer que le mandat a été valablement constitué, que le curateur souhaite toujours remplir ce rôle et qu’il dispose des compétences nécessaires.
Notez qu’il est important de désigner plusieurs curateurs et de s’assurer au préalable de leur consentement afin que le 1er curateur désigné puisse être remplacé s’il n’est plus en mesure d’assurer la prise du mandat au jour de la survenance de l’incapacité de discernement ou par la suite. Il est enfin conseillé de désigner des personnes proches et dignes de confiance puisque le curateur d’un mandat pour cause d’inaptitude échappe au contrôle périodique de l’Autorité de protection et n’est ainsi pas soumis à l’obligation de remise de rapports d’activités et de comptes périodiques.